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Maladie de la suie de l'érable

La suie de l'érable est une maladie émergente qui touche les érables sycomores en Wallonie depuis 2017. La maladie est causée par le champignon Cryptostroma corticale. Les arbres touchés sont fortement dépérissants. La sporulation au niveau du tronc produit une suie noire caractéristique qui peut être à l'origine de réaction allergique pour les personnes exposées.

Etat des lieux / Localisation

Depuis 2017, le nombre de cas rencontrés de maladie de la suie de l'érable se multiplie en Wallonie. Cinquante-quatre signalements de cette maladie ont été recensés jusqu'à présent. Cette maladie, causée par le champignon Cryptostroma corticale, touche actuellement les érables sycomores (Acer pseudoplatanus) en Wallonie. Elle est principalement signalée le long du Sillon Sambre-et-Meuse (le cantonnement de Namur étant fortement touché) mais la dispersion de cette maladie est certainement sous-estimée.

CRYPCOR signalements WAL 2022

Fig. Distribution des signalements de la maladie de la suie de l'érable sur le territoire wallon depuis 2017.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle maladie. En effet, des signalements en Europe datent déjà de 1945.

Du point de vue des conditions stationnelles, les érables touchés sont très souvent en tolérance, voire en exclusion (sols pauvres et sols de remblais) et, dans de rares cas, ils peuvent également être en optimum.

Chez nos voisins français, la maladie de la suie est surtout présente dans la partie Nord, centre et Est de la France. Cela s'explique par l'aire de répartition de l'érable sycomore, celui-ci étant surtout présent dans le Nord et l'Est de la France, ainsi qu'en zone montagneuse.

CRYPCOR signalements WAL FR 2022

Fig. Distribution sur le territoire français depuis 2017.

Biologie / Symptômes

La maladie de la suie, causée par le champignon Cryptostroma corticale, est une maladie émergente. L'hôte principal est l'érable sycomore mais d'autres espèces d'érable sont aussi sensibles de même que le bouleau et le tilleul dans de rares cas. Les premiers symptômes sont visibles de mai à septembre et se caractérisent par le flétrissement et le dessèchement des feuilles dans le houppier. Au cours des saisons de végétation suivantes, des boursouflures peuvent se former sur le tronc suite à la sporulation du champignon sous écorce. Ensuite, des craquelures longitudinales apparaissent provoquant ainsi la libération d'une fine couche de suie noire : les spores du champignon. Il s'en suit des détachements d'écorce. Les branches au niveau de la cime meurent, deviennent cassantes et finissent par tomber avec le vent. Il est aussi possible d'observer la présence de suie lessivée par la pluie à la base de l'arbre. Cette maladie provoque donc à terme le dépérissement des érables touchés, les arbres sont complètement secs sur pied, laissant ainsi apparaitre dans le paysage forestier des silhouettes noires et squelettiques. 

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Bien que le processus d'infection soit peu connu, il semble que C. corticale infecte les jeunes pousses et les branches puis colonise longitudinalement les parties internes du bois où il peut y survivre plusieurs années sans causer de symptômes externes marqués. En conditions de stress, liées notamment à la sécheresse, la croissance radiale du champignon est stimulée et aboutit à la libération d'une masse de spores sous l'écorce qui finit par se détacher (Cech, 2019)1.

En effet, il a été constaté que l'apparition de la maladie fait suite à une succession d'années avec des étés particulièrement chauds et secs, comme cela a été le cas chez nous ces dernières années avant 2021.

La propagation du champignon responsable de la maladie de la suie se fait principalement via ses spores transportées par le vent. Des recherches sont en cours au CRA-W afin de déterminer leur capacité de dispersion. La possibilité d'un transport des spores sur de longues distances par d'autres vecteurs (animaux ou insectes) n'est par ailleurs pas à exclure.

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Fig. Symptômes de la maladie de la suie sur érable en forêt:

A - Houppier & tronc secs

B - C - Boursouflures & craquelures de l'écorce laissant apparaître une fine couche de suie noire sur le tronc & au collet

D - Détachement de l'écorce & suie lessivée

1Cech, T.L. (2019). Russrindenkrankheit bedroht Ahornbestände in Laubwäldern im Osten Niederösterreichs. Foestschutz Aktuell 65, 23-28.

Santé humaine

Le risque ne se limite toutefois pas à la forêt. En effet, outre les mortalités induites sur érable, la maladie de la suie constitue également un problème de santé publique car l'inhalation de grandes quantités de spores (la suie) peut provoquer des problèmes respiratoires importants (comme des allergies pulmonaires et des sévères crises d'asthme) chez les personnes sensibles ou très exposées (Emanuel et al., 1966) 1.

Bien que les problèmes respiratoires liés à C. corticale soient mentionnés dans la littérature médicale internationale, à notre connaissance, aucun cas médical n'a été renseigné en Belgique jusqu'à présent. Néanmoins, la prudence s'impose pour les personnes à risque. En Belgique, l'érable est surtout valorisé en bois de chauffage et le bucheron qui façonne son bois se trouve donc exposé à un risque. Il y a un réel risque quand l'exposition à la suie est répétée et prolongée, comme c'est le cas au Canada pour les récolteurs de sirop d'érable mais aussi pour les personnes manipulant les écorceuses. Chez eux, cette maladie est reconnue comme une maladie professionnelle. Heureusement, nous ne sommes pas dans le même contexte chez nous. En France où la maladie a touché des zones urbaines (comme à Paris et Nantes), aucun réel problème de santé humaine n'a été rencontré mais des précautions ont été prises.

1Emanuel, D.A., Wenzel, F.J. & Lawton, B.R. (1966). Pneumonitis due to Cryptostroma corticale (maple-bark disease). The New England Journal of Medicine 274, 1413-1418.

Risque de confusion

Les symptômes de la maladie de la suie de l'érable peuvent être confondus avec ceux engendrés par le champignon Biscogniauxia nummularia (Synonyme : Hypoxylon nummularium). Ce champignon se retrouve fréquemment sur bois mort de hêtre (sur branches au sol mais parfois encore sur l'arbre). Des plaques noirâtres apparaissent sur écorce et provoque un décollement de celle-ci.

Ces plaques noirâtres ne sont pas pulvérulentes comme dans le cas de la maladie de la suie de l'érable et surtout l'hôte potentiel n'est pas le même, ce qui permet de distinguer les deux champignons.

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Fig. Plaques noirâtres apparaissant sur écorce de hêtre et causées par le champignon Biscogniauxia nummularia.

Gestion de la maladie

Que faire face à la maladie de la suie de l'érable ?

Eléments importants à prendre en compte lors de la gestion de cette maladie

Les arbres touchés par la maladie de la suie de l'érable sont fortement dépérissants. Les mortalités sont fréquentes et abondantes. Les arbres atteints n'ont donc plus d'avenir. Au niveau économique, comme ce champignon se développe dans le bois, il s‘en suit une altération de la couleur du bois qui entraine sa dévalorisation. Les pertes économiques peuvent être conséquentes.

Sur le plan de la santé humaine, les personnes en contact prolongé et répété avec des quantités importantes de spores peuvent contracter des problèmes respiratoires. À ce jour, il n'y a aucun cas renseigné en Belgique. Le risque semble faible mais il faut tout de même rester prudent. Lors de martelages et d'abattages d'arbres au sein de parcelles infectées, le port d'un masque de type FFP2 (convenant pour les spores de 4 à 7 microns) est recommandé, en particulier pour les personnes à risque. Une désinfection des mains et du matériel utilisé est également préconisée. Nous vous conseillons donc d'avertir de la présence de la maladie de la suie de l'érable les différents opérateurs intervenant lors des travaux sylvicoles.

1.       Avenir du peuplement / définir les risques

Face à la propagation de la maladie de la suie de l'érable, les risques doivent être évalués en considérant l'avenir du peuplement et tout particulièrement l'avenir économique de celui-ci.

Le risque est élevé :

- s'il s'agit d'un peuplement d'intérêt c'est-à-dire un peuplement valorisable économiquement,

- quand les érables touchés par cette maladie sont au milieu d'érables sains,

- lorsque la densité d'érables est élevée.

--> Dans tous ces cas, il est conseillé d'effectuer une coupe sanitaire et d'évacuer les bois. La coupe sanitaire doit se réaliser en période de moindre sporulation du champignon pour limiter le risque pour la santé humaine (automne-hiver selon la littérature). Pour leur évacuation, les bois coupés peuvent être chargés dans des containers fermés pour éviter la dispersion des spores et l'incinération devrait idéalement se faire en centre spécialisé.

Le risque est faible :

- face à un peuplement d'érables de faible intérêt c'est-à-dire des arbres sans avenir qui ne seront pas valorisés tels que des érables en sous-étage,

- quand les érables sont isolés dans le peuplement (faible risque de propagation de la maladie),

- lorsque les érables touchés sont regroupés dans des trouées isolées.

--> Dans ces cas où le risque est faible, aucune action n'est à mener.

2.       Santé humaine / définir la fréquentation

En parallèle de ce raisonnement sylvicole, la question de la santé publique doit également être considérée. Aucun cas problématique n'a été renseigné en Belgique. Le risque de problème de santé humaine reste donc faible mais, malheureusement, nous n'avons pas de recul par rapport à la situation. De nombreux cas de maladie de suie sur érable sont signalés chez nous et le risque pour la santé humaine pourrait s'accroître avec l'augmentation de l'inoculum du champignon. Il faut donc rester prudent.

Face à la question de santé publique, il faut prendre en considération le niveau de fréquentation de la zone atteinte :

- Dans une zone peu ou pas fréquentée ou une zone isolée avec peu d'arbres atteints, le risque de contact avec les spores de ce champignon est limité. Aucune action n'est donc requise du point de vue de la santé humaine. Une intervention reste néanmoins envisageable si l'avenir du peuplement le nécessite (voir point précédent).

- Dans une zone fréquentée par le public avec un inoculum important, il faudra prévoir l'abattage des arbres malades. Dans l'attente de cette action, le placement de panneaux d'information aux points d'accès de la forêt et/ou la mise en place de rubalises permettra d'informer le public.

A ce jour, l'abattage d'érables malades a été effectué dans des zones fréquentées comme dans un lieu touristique, dans un parcours Vita mais aussi dans le parc privé d'une école accessible aux élèves où seul un érable était atteint mais où le risque pour la santé humaine était important.

Les mesures de gestion préconisées ici pourraient être adaptées à l'avenir en fonction des résultats de nos suivis et des recherches effectuées sur la dispersion des spores toujours en cours. 

Dispositif de suivi de la maladie

Suite aux différents signalements de maladie de la suie de l'érable en Wallonie, un suivi est mené sur cinq sites par l'équipe de l'OWSF pour mieux comprendre l'évolution de cette maladie et évaluer l'avenir de ces peuplements d'érable. Parmi ces cinq sites, les sites de Soye, Houyet et Hargimont sont touchés par la suie de l'érable. Le site de Godarville, indemne jusqu'ici, est intéressant pour évaluer la capacité de propagation de la maladie car un foyer sévère a été identifié à proximité de ce site (Seneffe à environ 1 km). Enfin, sur le site de Virton, la maladie de la suie n'est pas présente mais l'état sanitaire des érables se dégrade (arbres dépérissants, observations de perte de ramification, parfois de nombreuses craquelures sur tronc et présence de nécroses suintantes sur certains arbres).

Ce suivi est effectué sur 20 arbres par site lors de deux visites (juin et septembre). Des cotations sont réalisées sur chaque arbre pour en évaluer l'état général. Ainsi, les pourcentages de branches mortes et de perte de ramification sont estimés afin de déterminer l'indice de dépérissement DEPERIS. Le pourcentage de défoliation est également côté. Un relevé des symptômes présents sur chaque arbre est effectué et toute l'attention est portée sur la présence de craquelures sur le tronc, de suie, de tâches noirâtres, de nécroses suintantes et de gourmands ; l'abondance de production de graines (fructifications) est également notée.

Pour le moment, seuls les deux premiers relevés ont été effectués en 2021 et il n'est donc pas encore possible d'analyser la situation des érables et de dégager de conclusions.

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Fig. Localisation des sites de suivi sur érables.

Appel à signalement

Tout cas de maladie de suie de l'érable en forêt devrait être renseigné à l'OWSF pour permettre de mieux estimer la distribution de la maladie sur le territoire wallon et de mieux cerner les situations dans lesquelles des problèmes surviennent. Cela permettra à l'OWSF de donner aux forestiers des conseils de gestion adaptés aux différentes situations rencontrées.

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Mis en ligne le - Mis à jour le 24/07/2023